Le grand-père paternel d’Odile, Gustave NEUBURGER a gravi les échelons de la Banque Rothschild, où il est devenu le bras droit du Baron James en tant que Premier Fondé de Pouvoir, càd en pratique Directeur Général. Léon, le frère de Gustave y occupe également un poste important ainsi que le fils de leur sœur Pauline, Lionel HAUSER, qui sous la supervision de Léon gère la fortune de leur cousin par alliance, Marcel Proust. Gustave était un bon vivant, « dont le seul vice connu est la gourmandise, ce dont témoigne son ventre rebondi.[1]» Ce dont témoigne également cette photo qui le montre en compagnie de sa fille Louise, de son gendre un peu chétif, le philosophe Henri BERGSON et de Jeanne, la fille de ces derniers.

Gustave NEUBURGER, sa petite -fille Jeanne, sa fille Louise, et son gendre Henri BERGSON
Portrait de Gustave NEUBURGER par Fernand CORMON

Laure LAZARUS, épouse de Gustave, était la fille d’Adèle (Adélaïde) WEIL, sœur de Nathé WEIL, le grand-père maternel de Marcel PROUST, et donc la cousine de Jeanne PROUST. Elle avait coutume de jouer avec cette dernière le rôle de maîtresse de maison dans la maison d’Auteuil de l’Oncle Louis WEIL, où la famille se réunissait le samedi ou l’été. Le testament de l’oncle Louis la traite de façon particulièrement généreuse en lui allouant la somme considérable à l’époque de cent mille francs or (voir ci-dessous). Selon Patrick MIMOUNI[2] les déjeuners du samedi, si chers à Marcel PROUST, avaient lieu alternativement chez l’oncle Louis à Auteuil, et chez Gustave NEUBURGER, dans sa maison de la rue Nicolo.

Extrait de Proust Amoureux, Patrick MIMOUNI, Editions Grasset, P.29

Enfin, découverte récente[3], Laure aurait été présente (à Auteuil) lors du dîner bien réel ayant servi de modèle à celui de Combray avec SWANN, qui précède la scène où le Narrateur, enfant, attend sa mère caché dans l’escalier pour bénéficier d’un baiser nocturne.

Marcel PROUST,  Les Soixante Quinze Feuillets, Introduction et Commentaires par Nathalie MAURIAC – DYER, p. 40,

Laure meurt en 1898, Gustave en 1914. Odile, née en 1920 n’aura donc pas connu ses grand-parents paternels. Elle sera en revanche proche de son oncle par alliance, le philosophe Henri BERGSON, chez qui elle se réfugiera avec sa famille à trois reprises :

  • en septembre 1938, à La Gaudinière, sa maison de campagne, juste avant les accords de Munich, alors que l’on craint que la guerre n’éclate,
  • lors de la débâcle, en mai 1939, de nouveau à La Gaudinière,
  •  enfin en 1941, après la mort d’Henri BERGSON ; dans son appartement parisien, lorsque les NEUBURGER seront privés d’appartement par la réquisition du 1 avenue du Maréchal Maunoury, et qu’ils n’auront pas encore loué un appartement 30 rue Scheffer.

[1] Evelyne BLOCH-DANO, « Madame PROUST » Ed. Grasset, Le Livre de Poche page 102.

[2] Patrick MIMOUNI, Proust Amoureux, Éditions Grasset, p.29

[3] Marcel PROUST,  Les Soixante Quinze Feuillets, Introduction et Commentaires par Nathalie MAURIAC – DYER, p. 40, Adrien Proust (puisqu’il s’agit des personnages réels) s’inquiète : « Avez-vous su si Laure a bien dîné, il m’a semblé qu’elle ne reprenait pas de salade à la banane. »

Annexe: Le testament de Louis WEIL [1]

Louis WEIL, modèle de l’oncle Adolphe dans La Recherche du Temps Perdu, avait fait de Jeanne PROUST et de Georges WEIL ses légataires universels.

« Les […] legs suivants vont à la famille du testateur, à ses divers
neveux et nièces, selon une hiérarchie qui traduit le caractère plus ou
moins étroit de ses liens avec eux, et aussi le sentiment de devoir donner
quelque chose à chacun d’eux, même à ceux qu’il a perdus de vue.

A Laure Lazarus, ma nièce, épouse de Gustave Neuburger, la somme de cent
mille francs que je lui avais reconnue par son contrat de mariage.

A Claire Emilie Weil, ma nièce, épouse de Léonard Neuburger, cinquante
mille francs, somme que je voulais lui reconnaître par son contrat de mariage, formalité qui a été empêchée par mon absence et que depuis j’ai régularisée par deux actes sous seing privé des neuf mai et six juin 1873.

A Marguerite Alcan, ma nièce, épouse de Ernest Léon, la somme de cinquante
mille francs.

A Louise Alcan, veuve d’Adolphe Mayer, la somme de cinquante mille
francs.

Aux enfants de Benjamin Weil (mon frère décédé) domiciliés rue Saint-
Victor ou Saint-Victorin à Marseille, la somme de vingt-cinq mille francs à se partager entre eux.

A Joseph Weil, mon frère domicilié rue des Jardins à Coleàh, Algérie, ou à
ses enfants s’il en a, la somme de vingt-cinq mille francs. […]

A Jenny Weil, ma nièce, épouse de François Boeuf, la somme de vingt-cinq
mille francs.

A Hélène Weil, ma nièce, épouse de Casimir Bessière, la somme de vingtcinq
mille francs. »

[1] Extrait de Roger DUCHENE, Le Testament de l’Oncle Adolphe,

Presses Universitaires de France | « Revue d’histoire littéraire de la France »
2004/3 Vol. 104 | pages 673 à 685