Héritage du Cours Boutet de Monvel ? Hélène et Odile se plaisaient à jouer dans des saynètes, souvent dans la propriété des BERR, à Aubergenville. C’est à une représentation de la sorte qu’Hélène fait allusion dans la première lettre de la Correspondance , le 16 juillet 1934: « Mais pourtant, il y a comédie ce soir … succès merveilleux. Jacques n’a pas trop eu le fou rire, les costumes sont splendides ». Et Odile répond dans sa lettre du 21 juillet ; « J’ai eu par le journal des échosde « On ne badine pas avec les marquises ». Il paraît que le succès était formidable. Les murs du théâtre de verdure croulaient sous les applaudissements ». De là à écrire elles-mêmes une pièce …
Ce sera Radagada la sorcière.
N’ont été retrouvées, au fil de ses lettres, que les contributions d’Odile, qui figurent ci-dessous. A quelques reprises, les deux amies envisagent de jouer la pièce. On se demande comment ! Elles y renoncent, mais Radagada restera pour elles une référence. A défaut de pouvoir représenter la sorcière, elles utuliseront son nom pour désigner … les lieux d’aisance.
Lettre d’Odile à Hélène du 13 Février 1936
La scène II de l’acte III de Ragadaga
Récit : Ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône
Le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune
Le vent trempe en sifflant les brins d’herbe dans l’eau.
Qu’importe aux amoureux brûlant d’un feu si beau ?
De l’orage, du vent, de la pluie dédaigneux
Tous deux se bécotaient dans l’île, à qui mieux mieux.
Chant : Malgré la sorcière Ragadaga
Malgré la nuit sombre
Ils s’aimaient oh ! là ! là ! oh ! là ! là !
Et mangeaient des concombres
Récit : Ils aimaient les concombres de toute leur âme
D’un amour sans pareil, comparable à leur flamme
Ils crachaient les pépins, puis se disaient : « Je t’aime
Bien plus que tout au monde, beaucoup plus que moi-même »
Mais voyant le concombre qui pleure tout son jus :
«Pleure pas mon bulubu,
Disent ils en cachette, je t’aime aussi quand même.
Gros bêta ! Turlulu ! »
Chant : Malgré la sorcière Ragadaga
Malgré la nuit sombre
Ils s’aimaient oh ! là ! là ! oh ! là ! là !
Et s’embrassaient dans l’ombre.
Récit : Ils s’embrassaient dans l’ombre en roulant de gros yeux
Poussant de petits cris, agaga, you, gueu-gueu
Quand soudain du buisson sortit une ombre atroce
Une main décharnée, un long nez, une bosse
Ragadaga « ipsa », la sorcière en personne.
Les deux pauvres petits supplient le ciel qui tonne
De les sauver des griffes de la vieille hideuse
Elle cependant ricane, horrible, étrange, affreuse :
« Ah ! ah ! mes beaux mignons ! Je trouble vos ébats
Venez ça embrasser maman Ragadaga »
Sur ce elle les empoigne, sans pitié
Et les jette dans un cachot tout grillagé.
Chant : Malgré la sorcière Ragadaga
Dans le cachot sombre
Ils s’aimaient oh ! là ! là ! oh ! là ! là !
En espérant dans l’ombre.
Fin de la Scène II de l’Acte III
Lettre d’Odile à Hélène du 4 Février 1935
Et voilà : le FINAL DE « RAGADAGA »
Chœur des colombes (Voix criardes)
Sous le ciel bleu, sous le ciel bleu,
Ne craignons plus Ragadaga
Ragadaga de mille feux
S’est vue brûler pour un dada
Mais le dada très obstiné
Fit entendre à Ragadaga
Que son cœur ne pouvait s’donner
A une femme non dada
Alors notre Ragadaga
Rendant grâces à son état
En jument grise se changea
Pour plaire à son divin dada
Mais tout à coup plus de dada
Un liong énorme, un liong affreux
Et qui happant Ragadaga
N’en laissait bientôt que les yeux
Dans les prés verts, dans les prés verts,
Ne craignons plus Ragadaga
Ragadaga dans les enfers
S’en est allée sur son dada
Lettre d’Odile à Hélène du 13 Juillet 1935
FINAL DE RAGADAGA
(Ragadaga dans sa chaumière fait cuire une tête d’homme et chante sinistrement)
Tant que l’eau coulera
Que le feu brûlera
Que l’oiseau chantera
Que VIENOT posera
Que LECOMTE flirtera
Ragadaga vivra !
Une voix au dehors :
Jeune prrrrésomptueuse
Autre voix :
Vieille toupie affreuse
(Ragadaga se penche à la fenêtre. D’une voix égarée)
On dirait que la lune transpire !
Première voix :
Oui, tes crimes la font suer
Ragadaga (haut)
Cette voix ! (à part) Ah ! je suis bonne à frire
2ème voix :
Je suis venu pour te tuer
Ragadaga :
Au nom du diable, quelles sont ces ombres
1ère voix :
Celles de 2 blanches colombes
Ragadaga :
Enfer et damnation, ils ne sont pas morts
1ère voix. Sarcastique :
L’oiseau parle. Il chantera sur ton corps
Ragadaga (Dans ses yeux brillent les lueurs de la démence)
Troulala, troulala, ratatchoum !
Le petit hou de la lune a fait cuire la sorcière
Elle meurt
(Par la fenêtre entrent 2 blanches colombes qui se transforment bientôt en charmants époux).
(Ils dansent autour du corps de la sorcière)
Sol mi do do sol mi ré mi ré sol mi do
Qui craint le grand méchant loup, méchant loup, c’est pas nous … Ouh !
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